Histoire de la Gendarmerie Nationale : De la Maréchaussée à nos jours

Publié le 10 septembre 2025

Table des matières

La gendarmerie nationale française puise ses racines dans une histoire séculaire qui remonte au Moyen Âge. Institution unique par sa longévité et sa capacité d’adaptation, elle illustre l’évolution des besoins sécuritaires de la France à travers les siècles. De la maréchaussée médiévale à la force moderne d’aujourd’hui, cette force armée à statut militaire a su traverser les régimes politiques et les transformations sociales en conservant sa mission fondamentale de service public.

Les origines médiévales : la Maréchaussée

Naissance d’une institution

La gendarmerie nationale française trouve ses origines dans la maréchaussée, héritière directe de la Connétablie du Moyen Âge. Cette institution naît de la nécessité d’exercer la justice aux armées, mission confiée aux connétables et maréchaux qui délèguent leurs pouvoirs à des prévôts. Cette délégation marque la naissance de la prévôté, ancêtre direct de nos forces de police militaire.

La maréchaussée constitue d’abord une juridiction extraordinaire dotée de son propre corps d’exécution, compétence qu’elle conserve jusqu’à la Révolution française. Cette double fonction judiciaire et policière caractérise l’originalité de cette institution dans le paysage administratif de l’Ancien Régime.

La guerre de Cent Ans : catalyseur de l’organisation

La guerre de Cent Ans (1337-1457) constitue un tournant décisif dans l’évolution de la maréchaussée. Créée pour contrôler les débordements des troupes, elle accompagne les armées en campagne et réprime les pillards, soldats indisciplinés et déserteurs. Cette mission de maintien de l’ordre au sein des forces armées révèle déjà la vocation sécuritaire qui caractérisera durablement l’institution.

L’ordonnance du 26 mai 1445 de Charles VII marque une étape fondamentale avec la formation des premières compagnies d’ordonnance, premières unités d’armée permanente. Cette permanence favorise la sédentarisation progressive de la maréchaussée sur le territoire, préfigurant son ancrage territorial futur.

L’Ancien Régime : expansion et organisation (1445-1791)

Extension des compétences civiles

En 1536, François Ier opère une transformation majeure en étendant officiellement les missions de la maréchaussée au traitement de la délinquance civile. Cette extension couvre désormais la poursuite des vagabonds, étrangers, auteurs de vols avec violence et autres criminels en dehors du strict domaine militaire. Cette évolution marque le passage d’une force purement militaire à une institution mixte assumant des responsabilités de sécurité publique.

Réorganisations administratives

Après 1626, la suppression de la Connétablie place la maréchaussée sous la responsabilité directe des maréchaux de France. L’ordonnance criminelle de 1670, sous Louis XIV, précise cette organisation en distinguant les cas royaux (jugés au Parlement) des cas prévôtaux (jugés par les maréchaux), clarifiant ainsi les compétences judiciaires.

L’édit de mars 1720 réforme profondément la maréchaussée en créant une compagnie dans chaque gouvernement ou province (36 au total). Cette réforme instaure un tribunal prévôtal et une hiérarchie territoriale organisée en prévôtés, lieutenances et brigades de 4 à 5 hommes. Chaque brigade couvre plusieurs kilomètres de routes et plusieurs paroisses, établissant le principe de maillage territorial qui perdure aujourd’hui.

Consolidation au XVIIIe siècle

Les réformes successives de 1720, 1731, 1768 et 1769 renforcent progressivement l’organisation. La création de 200 brigades en 1768 densifie la couverture territoriale, tandis que la réorganisation de 1778 restructure la hiérarchie et assimile la maréchaussée à la cavalerie, confirmant son statut militaire.

En 1779, la maréchaussée atteint une ampleur considérable avec 3 300 hommes répartis en 34 compagnies et 800 brigades. Une compagnie spécifique est affectée à Paris et l’Île-de-France, tandis qu’une autre se consacre exclusivement à la sécurité du roi durant ses déplacements. Cette organisation révèle déjà la spécialisation fonctionnelle qui caractérisera l’institution moderne.

L’ordonnance de 1778 impose des conditions strictes de recrutement : les membres de la maréchaussée doivent obligatoirement être d’anciens militaires et s’engager pour 16 ans, garantissant ainsi l’expérience et la stabilité du personnel.

La transformation révolutionnaire (1791-1798)

Naissance officielle de la Gendarmerie nationale

Le 16 février 1791 marque une rupture historique : la maréchaussée devient officiellement la Gendarmerie nationale par une loi qui scelle définitivement cette transformation institutionnelle. Cette mutation dépasse le simple changement de dénomination pour opérer une rupture fondamentale avec l’Ancien Régime.

Contrairement à la maréchaussée qui exerçait à la fois les fonctions judiciaires et policières, la gendarmerie post-révolutionnaire abandonne le rôle judiciaire, conformément au principe de séparation des pouvoirs. Cette évolution transforme l’institution en force exclusivement exécutive, perdant ses prérogatives de jugement mais conservant ses missions de police et de maintien de l’ordre.

La « Grande Charte » de 1798

La loi du 28 germinal an VI (17 avril 1798) constitue la « grande Charte » de la gendarmerie en codifiant définitivement son organisation et ses missions. Cette loi porte les effectifs à 10 000 hommes et introduit un état-major spécifique, fixant les attributions de police administrative et judiciaire qui forment encore aujourd’hui le socle des missions gendarmiques.

Cette réforme établit les principes durables de l’institution : maintien de l’ordre, exécution des lois dans la République, et service de l’autorité civile tout en conservant le statut militaire. Ces fondements traverseront les régimes politiques successifs sans altération majeure.

Le XIXe siècle : consolidation et expansion

L’époque napoléonienne et l’Empire

Sous Napoléon Ier, la gendarmerie devient un élément important du dispositif militaire. Son intégration dans l’appareil d’État napoléonien renforce son rôle tant sur le territoire national que dans les campagnes militaires européennes. Cette période consolide définitivement son statut de force armée au service de l’ordre public.

Restauration et Second Empire

L’institution rencontre des difficultés après l’Empire, subissant une épuration en réaction à son implication dans l’ère napoléonienne. Cependant, elle retrouve progressivement du prestige sous Napoléon III avec une augmentation significative des effectifs et un renforcement de ses moyens.

En 1849, le rattachement de la Garde républicaine à la gendarmerie élargit ses attributions vers les missions protocolaires et la sécurité des institutions. Cette intégration préfigure la diversification future des missions gendarmiques.

Codification et traditions

La décision ministérielle du 28 janvier 1841 illustre l’attention portée aux aspects réglementaires en rendant obligatoire le port de la moustache pour les gendarmes. Cette obligation, qui perdure jusqu’en 1933, témoigne de la volonté d’affirmer l’identité visuelle et l’esprit de corps de l’institution.

Engagements militaires internationaux

La gendarmerie participe activement aux conflits du XIXe siècle. Lors de la guerre de Crimée, elle se distingue au siège de Sébastopol en 1855. Durant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, elle assume ses missions tant sur le territoire national que dans le soutien aux opérations militaires.

Ces engagements confirment sa double vocation civile et militaire, capacité d’adaptation qui constitue l’une de ses caractéristiques durables.

Le XXe siècle : modernisation et spécialisation

Première Guerre mondiale et reconnaissance institutionnelle

Le décret du 20 mai 1903 confirme définitivement le statut militaire de la gendarmerie, clarifiant son positionnement institutionnel. Pendant la Première Guerre mondiale, elle joue notamment un rôle de prévôt, assurant le maintien de l’ordre dans l’armée, mission parfois mal perçue par les soldats mais essentielle au fonctionnement des forces armées.

Cette période voit la création d’une sous-direction de la gendarmerie dirigée par le lieutenant-colonel Plique et l’attribution du rang de sous-officier aux gendarmes, modernisant la hiérarchie interne.

En 1920, la gendarmerie obtient une direction autonome au sein du ministère de la Guerre, marquant une étape importante vers son autonomie administrative.

L’entre-deux-guerres : innovation organisationnelle

L’innovation majeure de cette période réside dans la création des pelotons mobiles en 1921 pour le maintien de l’ordre. Ces unités, transformées en Garde Républicaine Mobile (GRM) en 1926, répondent aux nouveaux défis sécuritaires de l’époque. Entre 1927 et 1939, la création de 16 légions autonomes de GRM structure durablement la capacité d’intervention mobile de l’institution.

Seconde Guerre mondiale : épreuve et résistance

La Seconde Guerre mondiale constitue une épreuve particulière pour la gendarmerie. Pendant l’Occupation, elle reçoit ses ordres du gouvernement de Vichy et de l’occupant allemand, participant parfois à la déportation des Juifs et à l’arrestation des réfractaires au Service du travail obligatoire.

Cependant, cette implication contrastée révèle également l’engagement de nombreux gendarmes dans la Résistance, individuellement ou en unités constituées comme les groupements Daucourt et Thiolet. Cette période illustre la complexité des choix individuels et institutionnels dans un contexte d’occupation.

Guerres de décolonisation : engagement outre-mer

Les conflits de décolonisation mobilisent massivement la gendarmerie. En Indochine, elle constitue la deuxième force armée avec des missions de surveillance dans des zones particulièrement dangereuses. Le bilan est lourd : 682 morts et 1 500 blessés parmi les 15 000 gendarmes déployés.

L’engagement en Afrique du Nord entre 1952 et 1962 coûte la vie à 541 gendarmes (officiers, gradés, gendarmes auxiliaires et harkis), témoignant de l’intensité des opérations menées.

Modernisation institutionnelle après 1945

En 1947, le rattachement du commandement supérieur à la justice militaire maintient le lien avec l’institution militaire tout en confiant la direction à un civil (magistrat ou préfet). Cette configuration perdure jusqu’en 2004.

Les années 1970 marquent une révolution dans l’organisation avec la création des brigades de recherches et du Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN), répondant aux nouveaux défis de la criminalité moderne et du terrorisme.

La féminisation progressive des effectifs débute en 1972, transformant durablement la composition sociologique de l’institution.

L’ère contemporaine : diversification et réformes (1970-2025)

Autonomisation et spécialisation

La création de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) en 1981 marque l’autonomie renforcée de l’institution. Cette direction unifiée coordonne l’ensemble des composantes et développe une doctrine propre.

En 2004, le commandement passe définitivement à un général de gendarmerie, rompant avec la tradition civile et affirmant l’identité militaire de l’institution.

Rattachement au ministère de l’Intérieur

La réforme majeure de 2009 transfère la gendarmerie du ministère de la Défense au ministère de l’Intérieur. Cette décision, encadrée par la loi du 3 août 2009 et plusieurs décrets d’application, vise l’alignement sur la Police nationale et les sapeurs-pompiers dans une logique de cohérence sécuritaire.

Le rattachement maintient néanmoins le statut militaire des gendarmes et certains recrutements sous l’autorité du ministère de la Défense, préservant les spécificités de l’institution.

Réorganisations territoriales

La réorganisation de 2005 calque la structure territoriale de la gendarmerie sur les 22 régions administratives d’alors. Depuis 2012, la Direction générale siège à Issy-les-Moulineaux, symbolisant sa modernisation.

La réforme structurelle du 1er août 2013 modernise les échelons de commandement en créant un état-major unique dans les régions non zonales et en renforçant le rôle des échelons zonaux, tout en garantissant le maintien des prérogatives militaires.

Diversification des missions

Le XXe siècle voit une diversification progressive des missions avec la création d’unités spécialisées : police scientifique, lutte contre la criminalité organisée, interventions en montagne, sécurité routière, protection de l’enfance, aviation, secours en mer, cybersécurité et lutte contre les infrastructures ferroviaires.

L’intégration des gendarmes adjoints volontaires après la suppression du service militaire et la création de passerelles avec la police nationale en 2011 modernisent les parcours professionnels.

La gendarmerie aujourd’hui

Couverture territoriale et missions

Au XXIe siècle, la gendarmerie couvre 95% du territoire français et protège environ 55% de la population. Cette répartition confirme sa vocation territoriale et sa spécialisation dans les zones rurales et périurbaines, complémentaire de l’action de la police nationale en zones urbaines.

Organisation contemporaine

L’organisation actuelle articule quatre composantes principales : la gendarmerie départementale qui assure les missions de proximité, la gendarmerie mobile spécialisée dans le maintien de l’ordre, la Garde républicaine chargée des missions protocolaires et de la sécurité des institutions, et les unités spécialisées couvrant l’ensemble des domaines sécuritaires.

Commandement actuel

Depuis le 1er novembre 2019, la Gendarmerie nationale est commandée par le général d’armée Christian Rodriguez, illustrant la continuité du commandement militaire de l’institution.

Cette histoire séculaire révèle la capacité remarquable d’adaptation de la gendarmerie aux évolutions politiques, sociales et technologiques. De la maréchaussée médiévale à la force moderne intégrée dans le dispositif sécuritaire du XXIe siècle, elle a su préserver son identité tout en renouvelant constamment ses missions et ses méthodes. Cette plasticité institutionnelle, conjuguée au maintien de son statut militaire et de sa culture spécifique, explique sa pérennité et sa légitimité dans le paysage français de la sécurité publique.

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Eliott R.

Spécialisé en préparation aux concours (police, armée, SNCF, TOEIC...), Eliott accompagne les candidats pour qu'ils abordent leurs épreuves dans les meilleures conditions.

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