La gendarmerie nationale constitue une institution militaire unique en France, assumant plus de 400 missions différentes au service de la sécurité publique, du maintien de l’ordre et de la défense nationale. Cette polyvalence exceptionnelle s’articule autour de quatre grands domaines d’intervention qui reflètent la diversité de ses responsabilités sur l’ensemble du territoire français.
Organisation générale des missions
Classification par grands domaines
La gendarmerie structure ses missions selon quatre axes principaux correspondant à ses différentes composantes. Le premier domaine « Rassurer et protéger » regroupe les missions d’ordre administratif visant à assurer la sécurité publique sur 95% du territoire français, couvrant 50% de la population. Le deuxième axe « Enquêter et interpeller » englobe les missions d’ordre judiciaire où la gendarmerie traite plus du quart des crimes et délits commis en France. Le troisième domaine « Sécuriser et maintenir l’ordre » concerne spécifiquement la gendarmerie mobile, tandis que le quatrième « Intervenir et défendre » rassemble les missions d’ordre militaire.
Cette organisation permet à la gendarmerie d’intervenir au profit de la quasi-totalité des ministères et des grands services de l’État, faisant d’elle la seule institution française à couvrir un spectre aussi large de responsabilités sécuritaires. Chaque domaine mobilise des unités spécialisées et des moyens adaptés aux spécificités des interventions requises.
Déploiement territorial et moyens
Le maillage territorial de la gendarmerie repose sur plus de 3 000 points d’accueil répartis sur l’ensemble du territoire national, avec environ 50 000 gendarmes œuvrant quotidiennement pour la sécurité. Cette structure s’organise selon une hiérarchie claire : régions, groupements départementaux, compagnies et brigades territoriales.
Ce dispositif est renforcé par des unités spécialisées comprenant les escadrons de sécurité routière, les unités de police judiciaire et les formations spécialisées aériennes, nautiques et de montagne. La gendarmerie mobile et la réserve opérationnelle peuvent également intervenir pour les migrations saisonnières avec des dispositifs estivaux et hivernaux, ainsi que dans les zones de sécurité prioritaires.
Missions d’ordre administratif : rassurer et protéger
Sécurité publique et proximité
Les missions d’ordre administratif constituent le socle de l’action quotidienne de la gendarmerie départementale. Ces missions visent à assurer la sécurité publique par la surveillance générale, la sécurité routière, le renseignement, les secours et l’assistance aux populations. La gendarmerie assume ainsi la responsabilité sécuritaire de vastes zones rurales et périurbaines où elle maintient un contact permanent avec les citoyens.
Les principales missions de proximité comprennent la sécurité des déplacements et la sécurité routière, le contact et la police de sécurité du quotidien, la lutte anti-drone, la prévention de la délinquance et l’assistance et secours aux personnes. Ces activités s’appuient sur un réseau dense de brigades territoriales assurant une présence permanente sur le terrain.
Missions spécialisées de sécurité
Au-delà des missions de proximité traditionnelles, la gendarmerie développe des capacités spécialisées pour répondre aux enjeux sécuritaires contemporains. Elle assure notamment la protection d’infrastructures critiques comme les sites nucléaires, où des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie maintiennent une surveillance constante.
La lutte contre les nouvelles formes de criminalité mobilise également des moyens spécifiques, notamment en matière de lutte anti-drone ou de cybercriminalité. Ces missions requièrent une adaptation constante des moyens techniques et des formations pour maintenir l’efficacité opérationnelle face à l’évolution des menaces.
Missions d’ordre judiciaire : enquêter et interpeller
Police judiciaire et investigation
La mission de police judiciaire représente plus d’un tiers des missions de la gendarmerie nationale. Elle englobe la constatation des infractions, la collecte de preuves, l’identification et l’arrestation des auteurs, en collaboration constante avec les magistrats. Cette mission s’exerce sur l’ensemble du territoire de compétence de la gendarmerie avec des moyens adaptés à la complexité croissante de la criminalité.
La chaîne de la police judiciaire s’organise selon plusieurs niveaux d’intervention. Les unités territoriales assurent le traitement des affaires courantes, tandis que les unités de recherche prennent en charge les enquêtes complexes. Les brigades départementales de renseignements et d’investigations judiciaires (BDRIJ) coordonnent les investigations sensibles au niveau départemental.
Unités spécialisées et offices centraux
Les groupes interministériels de recherche et les offices centraux spécialisés constituent l’échelon supérieur de la police judiciaire. L’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) traite des formes spécifiques de criminalité mobile. L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) se consacre aux infractions environnementales et sanitaires. L’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) lutte contre les formes graves d’exploitation au travail, tandis que l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH) traite des infractions les plus graves.
L’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) et le Service central du renseignement criminel (SCRC) apportent un soutien technique et analytique essentiel à l’enquête judiciaire. Ces organismes développent l’expertise scientifique et le renseignement criminel nécessaires aux investigations complexes.
Missions de maintien de l’ordre : sécuriser
Gendarmerie mobile et ordre public
La gendarmerie mobile, spécialisée dans le maintien et le rétablissement de l’ordre public, s’organise en groupements, escadrons et pelotons totalisant environ 13 000 militaires. Les escadrons constituent une réserve générale mobilisable par le gouvernement, consacrant environ un tiers de leur temps au renfort des unités de gendarmerie départementale.
Ces unités interviennent lors de troubles à l’ordre public, gèrent les rassemblements et manifestations, et peuvent être déployées rapidement sur tout le territoire français à la demande des autorités civiles. Elles participent également aux secours en métropole, outre-mer et à l’étranger, démontrant leur polyvalence opérationnelle.
Équipements et capacités d’intervention
La gendarmerie mobile dispose d’équipements spécifiques adaptés au maintien de l’ordre : véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), progressivement remplacés par des véhicules CENTAURE de nouvelle génération, systèmes de commandement et moyens de protection collective.
Au-delà des missions traditionnelles d’ordre public, la gendarmerie mobile intervient en zones de sécurité prioritaires, lors d’opérations judiciaires d’envergure, pour la sécurité des biens et des personnes dans des zones sensibles, et dans le cadre des plans gouvernementaux comme Vigipirate ou le contrôle des flux migratoires.
Missions militaires : intervenir et défendre
Missions de défense et de sécurité
La gendarmerie dispose de matériel militaire comprenant armement léger et véhicules de l’avant-blindé, lui permettant d’assumer ses responsabilités militaires. Elle remplit notamment un rôle de prévôté (police militaire) auprès des armées françaises, assurant la discipline et la sécurité dans les unités militaires.
En temps de paix, ses missions militaires s’articulent autour de quatre axes : dissuasion, prévention, protection et projection. La gendarmerie intervient dans des zones de crise internationales, notamment en Côte-d’Ivoire, au Liban, en Haïti, en ex-Yougoslavie, en Mauritanie et au Mali, démontrant sa capacité de projection internationale.
Défense du territoire et sécurité nationale
En cas de crise ou de conflit, la gendarmerie participe à la mobilisation générale et contribue à la défense du territoire aux côtés des armées. Sa présence locale lui permet d’assurer efficacement la recherche de renseignement, la protection des points sensibles civils et l’intervention rapide en cas de menace.
Depuis 2015, la gendarmerie joue un rôle majeur dans la politique publique de renseignement, couvrant les domaines institutionnels, économiques et sociaux. Par sa présence sur les territoires urbains, périurbains et ruraux, elle contribue à l’analyse des mutations sociales et territoriales, fournissant des informations stratégiques pour l’anticipation des risques.
Unités spécialisées et missions particulières
Lutte contre le terrorisme
En matière de lutte contre le terrorisme, la gendarmerie constitue un acteur central du dispositif national. Le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) représente l’unité d’élite spécialisée dans le contre-terrorisme et les interventions à haut risque. Avant le recours au GIGN, d’autres unités peuvent être mobilisées : les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG), les pelotons d’intervention (PIGM/PIGR) et les pelotons de surveillance et d’intervention (PSIG/PSIG Sabre).
Formations spécialisées
La Garde républicaine assure les missions d’honneur et de protection des institutions de la République, présente dans les palais nationaux (Élysée, Assemblée nationale, Sénat). Composée d’environ 2 850 membres répartis en deux régiments d’infanterie, un régiment de cavalerie et des formations musicales, elle dispose également de pelotons d’intervention pour la sécurité et les renforts temporaires.
Les gendarmeries spécialisées couvrent des domaines techniques spécifiques : la gendarmerie maritime protège les intérêts maritimes français, la gendarmerie des transports aériens sécurise l’aviation civile, la gendarmerie de l’air assure la sécurité des installations aériennes militaires, tandis que la gendarmerie de l’armement et celle de la sécurité des armements nucléaires veillent à la protection des installations stratégiques de défense.
Cellules spécialisées et soutien opérationnel
Des cellules spécialisées complètent le dispositif opérationnel : la cellule nationale NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique) pour les risques technologiques majeurs, la cellule d’appui à la mobilité pour la coordination des déplacements, et diverses unités de soutien technique et logistique.
Cette organisation complexe et polyvalente permet à la gendarmerie nationale de remplir l’ensemble de ses missions tout en conservant sa spécificité militaire et sa capacité d’adaptation aux enjeux sécuritaires contemporains. L’articulation entre ces différentes composantes assure une couverture complète des besoins de sécurité sur l’ensemble du territoire national et dans les engagements internationaux de la France.
